Lu dans La Dépêche

La Barthe-De-Neste. La ferme du bonheur

Quand de drôles d'animaux se mettent à parler…
Quand de drôles d’animaux se mettent à parler…

Savoir rire et faire rire des sujets les plus graves est tout un art ! La troupe tarbaise de Théâtre de l’Or Bleu a réussi ce pari en interprétant la pièce écrite par Yves Garric, « Une Ferme en TROP », mise en scène par Marie-Anne Gorbatchevsky.

Le sujet, en effet, ne prêterait pas à sourire tant l’agriculture traditionnelle connaît des moments difficiles, des transformations inquiétantes pour l’avenir. Mais voilà, l’humour et le talent des artistes permettent de mettre en évidence des réalités parfois dramatiques. Lorsque le rideau est tombé, il est toujours temps de réfléchir, de se remémorer les messages forts que nous a transmis l’auteur. Alors, cette « ferme en TROP », comédie ou drame ? Pourquoi pas les deux en y repensant : comédie dans l’interprétation, drame dans le vécu évoqué.

Une similitude avec la situation de beaucoup de comédiens intermittents (pour qui la pièce fut montée) appelés à déclencher nos rires alors que leur parcours est souvent difficile et chaotique. Le nombreux public de ce premier spectacle de l’année a apprécié le « rendement » du Théâtre de l’Or Bleu pour le plus grand bonheur des organisateurs des Vendredis soir de La Barthe-de-Neste.

Chelle-Debat : un village fondu de théâtre

Engouement. Salle comble tous les soirs: la 4e Semaine du Théâtre a brûlé les planches.

Salle archicomble à Chelle-Debat où le monde rural succombe à l'humour de « La ferme en T.R.O.P ». Photos DDM, Josiane Battoue.
Salle archicomble à Chelle-Debat où le monde rural succombe à l’humour de « La ferme en T.R.O.P ». Photos DDM, Josiane Battoue.

Imaginez un village de 200 âmes, perdu dans la verdure, au pays des Coteaux. Essayez de vous projeter dans ce cadre champêtre, un jour de grisaille, un soir de Toussaint, et vous serez surpris d’entendre mille rires résonner dans une salle des fêtes pleine à craquer. Car, à Chelle-Debat, le théâtre a pris la clé des champs. Bien avant les trois coups de 21 heures, de longues files de voitures ont envahi la rue principale, et les spectateurs s’agglutinent dans la fièvre du samedi soir. Les moins chanceux restent près de la porte en tendant l’oreille tandis que les plus casse-cou grimpent aux fenêtres.

Ne pas perdre une seule réplique, oublier que tombe la pluie, c’est le credo de la communauté villageoise venue voir « Une Ferme en T.R.O.P ». Un spectacle fort en chlorophylle, haut par le verbe, drôle pour l’histoire et résolument caustique. C’était la dernière représentation de la 4e édition de la semaine du Théâtre. Depuis le 26 octobre, tous les soirs, la salle des fêtes devenue trop petite ne désemplit pas. On vient aussi des environs, sans jamais bouder son plaisir. Francis Courtiade, le maire de Chelle-Debat, président de l’association Théâtre en automne, jubile. « On est comblés au-delà de nos espérances », dit-il.

Les folies du productivisme agricole

Encore une soirée « hot », un peu délirante : nous sommes en plein cœur de l’exploitation la plus technologique du canton. Écrite par Yves Garric, un auteur aveyronnais, la pièce fustige les folies du productivisme agricole. Dans cette ambiance déjantée, les vaches causent avec les tracteurs. Et même les spectateurs en culottes courtes, hissés sur des chaises, s’arrangent pour ne pas en perdre une miette.

La salle des fêtes est à deux pas de la poste. ça tombe bien, les acteurs de L’Or bleu disent leur texte à la lettre : « Du jour… rr au lendemain, le facteur n’est plus passé dans les fer..rrmes ». La réplique est expédiée par retour du courrier : « Et nous, le chien nous a crevés de plus pouvoir mor… rrdre les jambes du facteur ! ». Hilare, la salle se bidonne, y compris quand le prix du lait fait la brasse coulée. Car l’actualité reste le ferment de l’inspiration : « Quelle drôle de tête tu fais, tu manges du maïs transgénique ou quoi ? »

Venu de Pujo, Jean-Claude Cueilhens ne s’en cache pas : « J’aime ça. C’est autre chose que quand on branche la télé. Au moins, ça nous fait oublier les soucis ». Idem pour Sébastien Dupont, 13 ans, de Trouley-Labarthe : « Je suis venu tous les soirs, sauf mardi, c’était drôle « Le Congélateur ». J’aime ce qui est rigolo ».

Quant à Madeleine, de Pouyastruc, pas rurale pour deux sous, elle se laisse prendre également au jeu « Je retrouve plein de choses que j’entends dans la vie », dit-elle.

La scène de Chelle-Debat laboure plaisamment les méninges pendant que la ruralité brûle les planches.


« Une semaine folle »

Francis Courtiade, le maire de Chelle-Debat, est l’initiateur de la semaine du Théâtre, dont c’est la 4e édition. « L’idée est venue d’une discussion avec une troupe d’amateurs. Car il ne se passait rien dans le village », dit-il. Or, le théâtre a toujours été son « dada ». En une semaine, près de 2.000 personnes ont assisté aux spectacles. « Ils sont toujours plus nombreux et plus jeunes », constate l’élu. Il explique qu’un atelier pour enfants, animé par un professionnel, est né de l’association Théâtre en automne. Mais pour en revenir au bilan, « c’était une semaine folle », résume-t-il. « L’association doit faire marcher ses neurones. On ne peut pas mettre 500 personnes dans une salle de 200. » Et de souligner que l’entrée libre (avec participation), la qualité des troupes et les vacances de Toussaint ont dopé la fréquentation. Il en profite aussi pour remercier les sponsors.